En 2020 est sortie la série mexicaine Desenfrenadas (Les Envolées en France), réalisée par Diego Martínez Ulanosky et produite par Netflix. Cette série feel good nous dépeint le road trip fort en émotions et (re)trouvailles de Rocío, Vera et Carlota, trois amies d’enfance dont la vie privilégiée mais vide de sens ne les satisfait pas, et Marcela, la fougueuse autostoppeuse amérindienne. Las Desenfrenadas c’est une histoire d’amitié, c’est un road trip entre plages à tomber par terre et pueblos mexicains colorés, c’est le féminisme, c’est le constat sans écho des inégalités sociales, c’est la quête de sens mais c’est aussi et surtout la couleur et la joie.
La vie de Rocío est toute tracée devant elle, fiancée à la réplique miniature de son père, elle doit poursuivre ses prestigieuses études de médecine en Suède. Vera, quant à elle, fêtarde et capricieuse, perd son job de rédactrice de mode après un craquage. Et puis il y a Carlota, la “nihiliste féministe” du petit groupe dont la peur de révéler ses talents d’écrivaine la fait stagner. À quelques jours à peine du départ de Rocío et de son copain pour la Suède, les filles décident sur un coup de tête de partir pour Oaxaca, là où une soirée et le crush de Vera les attendent. Mais c’est sans compter leur rencontre avec Marcela, une jeune mexicaine prise entre la drogue, un mec abusif et un petit frère qu’elle doit protéger. Si leurs débuts au goût d’armes à feu, d’insultes et d’alcool sont chaotiques, c’est une profonde amitié qui commencera à germer entre les quatre compagnes d’infortune.
C’est entre la gravité et la légèreté que le féminisme tient une place centrale dans la série. Pour notre plus grand bonheur, ici poils et tétons ne sont pas censurés. La série aborde des sujets aussi graves que nécessaires comme le viol, le revenge porn ou les relations abusives. On suit avec dégoût les trop nombreux regards masculins qui se posent sur un malheureux short, les mains qui se baladent, la toute-puissance et l’impunité. Mais on assiste également avec bonheur à une sensualité masculine, à des hommes porteurs d’un respect politisé, à de véritables alliés du féminisme et ça, ça fait plaisir. Le féminisme tient en effet une place centrale tout au long de la série, et cela rien que par le fait que Carlota soit une féministe radicale engagée et revendiquée. À l’aide du regard de ses amies, elle démontre la difficulté d’être une femme empowered mais toujours souriante dans une société faite d’oppression (: “il veulent qu’on soit ultra maigres mais qu’on profite de la vie, qu’on soit séduisantes sans être des putes”). C'est au fur et à mesure de leur voyage ponctué de rencontres que les quatre filles parviendront à s’émanciper pour devenir pleinement actrices de leur propre vie. Outre le féminisme, la série s’empare de la représentations d’autres sujets de société, notamment à travers le questionnement de la place accordée aux indigènes mexicains. Il est “amusant” de constater que pas un amérindien est convié aux soirées organisées par les magasines de mode, à part, bien sûr, pour servir les saucisses cocktails. Ce sont encore les natifs mexicains qui sont pris dans les trafics de drogue ou qui doivent vendre leur corps pour êtres protégés par la loi du plus fort. Si Desenfrenadas ne se revendique pas comme une série engagée, une représentation réaliste des problèmes sociaux qui traversent le Mexique ne peut être qu’applaudie.
La quête de sens tient une place particulièrement importante dans la série. Les trois meilleures amies fuyaient une vie privilégiée qui, entre la pression et la peur, entre les traumatismes et les relations dysfonctionnelles, ne les satisfaisait pas. C’est le voyage, la découverte de l’autre, d’autres modes de vie, loin de leurs jobs, de leurs mecs et de leur familles qui leur fera comprendre que leur train train quotidien rassurant n’était pas la fatalité. On assiste à la découverte d’une manière de vivre plus simple, plus proche de la nature et de l’humain. Cette découverte atteint son apogée alors qu’une tempête les force à trouver refuge chez des indigènes mexicains. Cet épisode remet en question tout ce qu’on leur a appris et la nécessité pour elles de retrouver une manière de vivre plus proche de l’humain, moins dictée par l’urgence que par la nécessité de prendre son temps et de profiter des cadeaux de la nature (ici, des champignons hallucinogènes, la nature est bien bonne). Elles qui, dictées par la peur et la pression, ne se permettaient pas de se lâcher, se trouveront comme libérées lors d’une soirée à la plage placée sous le prisme de la musique, des champignons hallucinogènes et des poèmes révolutionnaires en compagnie d’inconnus rencontrés trois heures plus tôt.
Ne vous attendez pas à un chef d’oeuvre. Mais Desenfrenadas vaut largement le coup, ne serait-ce pour le voyage offert de part les routes mexicaines, par delà les plages et les déserts, à la découverte d’une culture forte de sa diversité : tout ce dont on a besoin en ce début d’année pas folichon.
Maëlle Hédouin pôle communication
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