Au croisement entre l’Argentine, la Bolivie et le Chili, se situent 70% des réserves mondiales de lithium. Le lithium est un électrolyte principalement utilisé dans la confection des batteries de portables et de voiture. En raison de l’accroissement de la demande de ces produits, ce métal, qui n’est pas coté en bourse et subit donc les fluctuations de prix conditionnées par l’offre et la demande, a reçu le surnom d’« l’or blanc » et est devenu un réel enjeu géopolitique à l’échelle régionale et même mondiale. Pour se faire une idée, le leader international de l’exportation du lithium est l’Australie ; la Bolivie cumule à elle toute seule six fois plus de réserves de lithium.
Ces zones stratégiques sont protégées par des accords nationaux et internationaux. Néanmoins, au niveau international, nombreux sont les investissements étrangers qui visent à sécuriser les approvisionnements du lithium si jamais les trois pays perdaient leur souveraineté ou seraient contraints de s’en séparer pour des raisons économiques. L’acteur international le plus puissant présent géographiquement dans ces zones est la Chine, qui investit massivement dans le développement des zones rurales, notamment bolivienne. C’est une stratégie pour gagner un avantage sur les Etats-Unis, leur principal concurrent.
Face à la concurrence énorme suscitée par ces zones, chaque pays cherche frénétiquement à emporter l’avantage sur les deux autres sur l’exploitation de l’or blanc. Il est important de mentionner qu’il ne suffit pas d’extraire le lithium pour le rendre disponible à l’exportation ; il faut également le raffiner, et pour ceci, il faut disposer d’infrastructures et de technologies spécifiques. Les trois pays ne les possédant pas encore, ils sont donc en pleine « course à l’armement » afin d’être le premier à pouvoir bénéficier de l’explosion de sa demande nationale. Le Chili est le mieux armé depuis la loi minérale de 1981, qui a libéralisé le secteur. Mais l’arrivée au pouvoir de Macri en Argentine a rouvert le pays aux investissements étrangers, à la suite de la présidence de Kirchner qui l’avait fermé, ce qui rend l’Argentine plus compétitive. La Bolivie, qui dispose des plus grandes quantités de lithium, est dernière dans la course ; la baisse du cours du pétrole a anéanti la stratégie socialiste d’Evo Morales, qui visait à nationaliser puis exploiter la zone. Tant qu’aucun des pays ne sera capable de raffiner le lithium par lui-même, le « triangle du lithium » restera une zone géopolitique conflictuelle.
A savoir que ces zones, le Salar d’Uyuni et la région du Sud Lipez en Bolivie, le Salar d’Atacama et la région du Maricunga au Chili, et les Salinas Grandes, Olaroz, las Tres Quebrades et le désert d’Hombre Muerto en Argentine, sont également d’immenses pôles touristiques : vous avez forcément déjà vu passer des photos de ces déserts de sel si vous vous intéressez à l’Amérique Latine, le plus connu étant le Salar d’Uyuni. Faisant partie du patrimoine culturel andin et grande source d’activité économique, il est inutile de préciser que les trois pays cherchent à les sauvegarder les plus longtemps possibles, tant que la situation économique le leur permet. La crise du coronavirus, qui marque une récession économique sans précédent en Amérique-Latine, met à mal ces tentatives. On peut espérer que le rapport spécial des communautés andines à la nature, avec notamment la vénération de la Pachamama (la Terre Mère), ainsi que l’intervention d’un grand nombre d’ONG de sauvegarde de l’environnement, permettent à ces paysages merveilleux de rester des attractions touristiques, et de ne pas devenir des usines de production industrialisées.
Chloé Stamm-Rouge, pôle événementiel
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