Au Brésil, depuis la colonisation, les peuples natifs ont toujours été sévèrement opprimés et marginalisés par les gouvernements. Dans le long combat pour la reconnaissance et pour les droits de la culture indigène, le grand chef kayapo Raoni Metuktire, de son vrai nom Ropni Metyktire, s’est illustré depuis des années.
Raoni Metuktire, surnommé River, est né vers 1932 à Mato Grosso, dans le centre ouest du Brésil. Il habite depuis sa naissance dans la forêt amazonienne, dans le territoire de Capoto-Jarina, terre indigène homologuée et protégée. Il est également un des derniers hommes connus à porter le plateau labial, tradition du peuple kayapo. Même s’il est depuis un symbole international de la lutte pour l’écologie, la protection de la forêt Amazonienne et de la culture indigène, il est revenu sur le devant de la scène médiatique internationale le 22 janvier 2020 : il a porté plainte contre le président brésilien Jair Bolsonaro devant la Cour Pénale Internationale, pour les accusations de meurtres, de mise en esclavage et d’extermination des peuples de l’Amazonie. Il dénonce à travers un document de 65 pages, la politique mise en place depuis l’arrivée au pouvoir de J. Bolsonaro, qui vise à « piller les richesses de l’Amazonie », entraînant de multiples crimes contre l’humanité : le non-respect de la Constitution brésilienne, le démantèlement des agences gouvernementales de protection de l’environnement, la violation totale des droits indigènes, et l’écocide, terme qui n’est pas officiellement reconnu par la CPI mais pour lequel Raoni milite depuis 2013. Bolsonaro aurait fait assassiné au moins sept chefs autochtones. Le rapport de Raoni, constitué de témoignages et de rapports d’ONG, met en évidence la conspiration politique brésilienne pour l’exploitation de l’Amazonie pour le boost de l’économie du secteur agro-industriel brésilien, qui nie totalement les droits des hommes et des femmes, mais également la préservation de l’environnement.
Néanmoins, il est important de préciser qu’il ne s’agit pas de la première action du chef kayapo. C’est visiblement à l’âge de 22 ans qu’il ferait pour la première fois connaissance avec des Occidentaux. Il devient immédiatement l’ambassadeur de son peuple et est depuis impliqué dans le militantisme pour la défense des droits des autochtones. En 1977, il fait l’objet d’un film documentaire appelé Raoni, réalisé par Jean-Pierre Dutilleux, dont le succès est tel qu’il est nommé aux Oscars. Il devient alors le porte-parole de la lutte pour la préservation de la forêt amazonienne.
D’avril à juin 1989, le chef Raoni entame une tournée avec le chanteur Sting dans dix-sept pays, ce qui lui permet de porter son message sur la scène internationale, tout en récoltant des fonds et en sensibilisant la communauté internationale : la même année, il parvient à faire annuler le projet de barrage hydroélectrique du gouvernement brésilien de Kararao, ce qui a été médiatisé dans le monde entier. Il a notamment obtenu du gouvernement brésilien, en 1993, l’unification de territoires indigènes de l’Amazonie, qui constituent encore à ce jour la plus grande réserve tropicale protégée de la planète.
Le chef kayapo s’est aussi illustré par la reconnaissance du grand public et notamment de plusieurs chefs d’Etat : François Mitterrand, Jacques Chirac, François Hollande et Emmanuel Macron, le prince de Galles, le prince Albert II de Monaco, le roi Harald V de Norvège, le prince Charles, le roi d’Espagne, le pape Jean-Paul II et le pape François… Il demande depuis 2013 la reconnaissance du crime d’écocide, reçoit l’ordre du mérite culturel du gouvernement de gauche brésilien de Lula, est citoyen d’honneur de la ville de Paris et de Bordeaux en France, participe à la COP21 et à la COP23… A travers tous ses déplacements, il milite pour la sensibilisation et la diffusion de l’information, distribuant ses pétitions au Trocadéro à Paris.
Il est aujourd’hui au cœur d’une crise diplomatique entre la France et le Brésil, en raison des menaces de Jair Bolsonaro de retirer le Brésil des accords de Paris sur le climat, ce à quoi E. Macron répond par une menace de rupture des accords de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosul. Il a également provoqué une crise franco-française ; reçu en France par la République en Marche, les partis politiques écologistes français et européens se sont vivement opposés à cette proximité « cynique et obscène », alors que le gouvernement d’Edouard Philippe soutient des projets d’exploitation minière.
En 2020, le 17 janvier, il rédige le manifeste de Piaraçu en compagnie de 600 habitants natifs de l’Amazonie, dénonçant la politique de « génocide, ethnocide et écocide » du président Bolsonaro. Il demande activement de l’aide au gouvernement français et à Nicolas Hulot dans le contexte dévastateur de la Covid-19 en Amazonie. Il accuse le gouvernement brésilien de profiter de la pandémie qui affaiblit les habitants de l’Amazonie, en les privant de soin et en accélérant le processus de déforestation en parallèle.
Il perd sa femme d’une crise cardiaque en juin 2020, et est emmené à l’hôpital en juillet. Même s’il est négatif au Coronavirus, il y reste un mois, avant de retourner dans son village à Metuktire ; il est peu après emmené dans un hôpital plus moderne en raison de l’aggravation général de son état de santé. Il en est sortit le 4 septembre et continue ses actions à l’aide de plusieurs ONG, dont « Urgence Amazonie », « S.O.S. Amazonia », et continue son appel à la reconnaissance des droits de la nature à travers son mouvement « l’Alliance des Gardiens de Mère Nature ».
Chloé Stamm Rouge, pôle événementiel
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