Certains historiens disent qu'au début, il n'y avait ni guitare ni danse, il n'y avait que du chant. Mais, l'origine de cet art est très floue. Dans l'œuvre de Cervantes « La Gitanilla » écrite au début du XVIIe siècle, l'origine du flamenco est mentionnée à travers le personnage de Preciosa, une danseuse andalouse. Mais, ce n'est qu'une histoire et cela aurait pu être inventé. Triana, Xérès et Cadix sont toujours mentionnées lorsque l’on parle de flamenco, car ces trois villes abritent les premiers artistes de flamenco au XVIIe siècle, notamment des familles de chanteurs gitans comme Los Pelaos ou Los Gagancho. Le flamenco est donc né du peuple. Cet art est né de la persécution et de la résistance du peuple gitan. Les paroles parlent souvent des bateaux, de la galère, de la prison en rapport avec un événement tragique. Il a évolué au fil des ans, et est même désormais utilisé par la célèbre chanteuse espagnole Rosalía.
Rosalía est une artiste connue dans le monde entier pour son style qui mêle flamenco, trap, pop et électronique... un mélange de genres qui ne plaît pas à tout le monde, certains gitans l'accusant d'appropriation culturelle. Elle naît dans le quartier de San Esteban de Sasrovinas à Barcelone en 1993. D'origine catalane, elle entre très jeune dans le monde de la musique, passionnée par le flamenco malgré le fait qu'il n'y ait aucun musicien ou andalou dans sa famille. Elle étudie la musique pendant des années, et plus précisément le flamenco. Elle déclare dans l'une de ses interviews « qu’en Catalogne, la culture andalouse est insufflée dans chaque coin, d'où que vous veniez, qui que vous soyez. (...) Vous n'êtes pas seulement ce que l'on vous donne, mais aussi ce que vous choisissez d'être ». Considérée par beaucoup comme une diva de la pop, elle a collaboré avec de nombreux artistes célèbres tels que J. Balvin, Billie Eillish et Ozuna et a même obtenu la reconnaissance de Pedro Almodovar et Alejandro Sanz. Son premier album, « Los Angeles » (2017), témoigne de son amour pour le flamenco. On retrouve également cet amour dans son deuxième album, « El mal querer » (2018) qui brise les frontières entre les différents genres musicaux. Son interprétation du flamenco 2.0 lui a permis d'obtenir plus de 20 millions de lectures sur YouTube avec son titre Malamente en seulement 3 mois.
Rosalía mélange des instruments atypiques (les palmas, ou encore le cajon qui est un instrument péruvien que le chanteur Paco de Lucia a "importé" au flamenco en 1977) avec des rythmes flamenco. Certains l’accusent de ce fait d'appropriation culturelle en raison de l'utilisation de l'accent andalou et de mots en calo (langue gitane). Le sociologue gitan José Heredia reproche à Rosalía d'utiliser des mots comme "undivel", qui est le mot gitan pour Dieu, et pour lequel les gitans ont été persécutés pendant des années. Pour lui, c'est un manque de sensibilité et de connaissances. Si on remonte dans l'histoire du flamenco, quand sont apparus de vrais professionnels du flamenco, certains ont déjà commencé à avoir peur de "lo puro". Pour Francisco García Lorca par exemple, le flamenco doit rester "l'art du peuple", le réduisant à une minorité andalouse et ne pas être un style commercialisé. Cependant, selon la chronique Global de l'historien Manuel Peña Diaz, ce serait une très grave erreur de dire que le flamenco est gitan ou qu'il ne l'est pas. Faire une distinction n'a aucun sens. D'ailleurs, Rosalía montre toujours beaucoup de respect pour le matériel qu'elle utilise, elle énumère ses références au flamenco gitan dans ses interviews. Grâce à elle, le flamenco est davantage écouté par les jeunes générations.
En conclusion, le flamenco classique est une œuvre ancienne qui doit être préservée, archivée et enseignée. Cependant, la musique évolue, très vite et en peu de temps, et ce n’est pas une mauvaise chose. Aujourd'hui, le débat sur l'opposition de certains gitans à Rosalía met en évidence la vitalité d'un art qui ne stagne jamais dans la répétition et qui tente d'ouvrir de nouvelles voies à la musique.
Laura Féret, vice présidente - Marina Giraud
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